Torture
en Algérie : un ancien officier
condamné pour diffamation LEMONDE.FR |
10.10.03 MIS A JOUR LE 10.10.03 |
19h11
Ne pouvant
juger l'affaire sur le fond, le tribunal
a estimé que le général Schmitt
n'apporte pas la preuve de sa "bonne
foi".
Le
général Maurice Schmitt, ex-chef
d'état-major des armées, a été
condamné pour diffamation, vendredi
10 octobre, par
le tribunal correctionnel de Paris. M.
Schmitt devra indemniser Henri Pouillot,
un ex-appelé français en Algérie, et
Louisette Ighilahriz, une ancienne
activiste algérienne, pour avoir
qualifié de mensonge leurs témoignages
sur la torture en Algérie.
L'officier,
âgé de 73 ans, s'est exprimé, le 6
mars 2002, dans l'émission "Culture
et dépendance" de France 3. Le
programme faisait suite à la diffusion
du film L'Ennemi intime, consacré aux
violences commises de part et d'autre
pendant la guerre d'Algérie. Lors du
débat organisé sur le plateau de
l'émission, M. Schmitt avait notamment
qualifié de "mensonges" les
écrits de Mme Ighilahriz. Membre à
l'époque du réseau "Zone autonome
d'Alger" - un réseau "poseur
de bombes", selon le tribunal -,
elle affirme avoir été violée et
torturée par des soldats de l'armée
française. Le général avait également
dénoncé les témoignages écrits d'un
ex-appelé, Henri Pouillot. Ce dernier
avait déclaré avoir assisté à
plusieurs séances de torture en 1961.
Le
tribunal a observé que M. Schmitt ne
pouvait pas apporter la preuve de ses
affirmations car la loi l'interdit
lorsque les faits en cause datent de plus
de dix ans. Pour échapper à une
condamnation, il lui fallait prouver sa
"bonne foi", c'est-à-dire
établir que, muni d'éléments sérieux,
il s'était exprimé dans un but
légitime, sans animosité et avec
prudence.
Dans le
cadre du procès intenté par M.
Pouillot, cette bonne foi lui a été
reconnue à deux reprises. Selon les
attendus du jugement, M. Schmitt
"avait assez d'éléments pour
penser que l'ex-appelé était 'menteur'
sur certains points évoqués dans le
film", notamment concernant le
nombre de personnes torturées. M.
Schmitt pouvait aussi employer le mot de
"criminel" dans la mesure où
M. Pouillot s'est déclaré
"totalement complice et totalement
solidaire" des tortures tout en les
condamnant. Le tribunal l'a finalement
condamné pour avoir manqué de prudence
et ne pas avoir vérifié ses
informations lorsqu'il a accusé
l'ex-appelé d'avoir participé à des
viols.
En ce qui
concerne l'autre volet du jugement, le
dossier Ighilahriz, le tribunal, en
questionnant la "bonne foi" du
général, a conclu qu'il était
"loin d'avoir disposé des
éléments propres à porter une
contradiction aussi radicale au discours
de Mme Ighilahriz". Les mots
employés par M. Schmitt
("contrevérités et
affabulations") ont été jugés
"très forts de sens" et
"dénués de toute réserve".
Considérant
que l'accusation de mensonge, proférée
par M. Schmitt, portait atteinte à
l'honneur et à la considération des
plaignants, le tribunal a condamné le
général à verser 1 euro symbolique de
dommages-intérêts à Mme Ighilahriz et
1 500 euros à M. Pouillot. Il devra en
outre faire publier sa condamnation en ce
qui concerne Mme Ighilahriz par trois
journaux. Les plaignants réclamaient
chacun 30 000 euros de
dommages-intérêts.
Reconnu
coupable de diffamation, M.
Schmitt n'a toutefois pas été condamné
pénalement en vertu de la loi du 6 août
2002, amnistiant les diffamations
commises avant le 17 mai 2002.
Avec AFP
|